Les mots surlignés font l'objet d'une note
1Monseigneur, veu la commodité que présentement j’ay par le moyen de monsieur le
2chanoine Anselme que s’en retourne en Daulphiné, j’ay bien prins ceste
3hardiesse en vers votre seigneurie vous escripre la présente dequoy je
4vous supplie me pardonner. Ce n’est pas à vous à qu’il faille advertir
5des novelles pour rayson des troubles que nous avons mainctenant
6car je m’asseure que vous estes bien informé de tout ce qu’il se faict
7tant d’ung costé que d’aultre. Bien vous, plaira entendre qu’en ce pays
8de par deça, il y a le plus paouvre ordre que jamais ayt esté car tout
9le paouvre peuple est entièrement ruyné, mesmes tous les villaiges
10aux envyrons des villes come de cestecy et des circonvoysines.
11Les ungz massacrez, tuez et plilhes tant d’ung party que d’aultre que
12plus on en peult avoir, en façon que si Dieu n’y estend sa saincte miséricorde
13et bonté et illumyne ceulx que y doibvent mectre de l’hesbat et conduicte,
14se sera ung pays perdu. Je ne vous en discoureray plus avant me
15remectant à ce que vous en pourra dire cedit porteur de ce qu’il en a veu.
16Au demeurant, monseigneur, l’affection que j’ay au service de monseigneur
17de Sainct Sernin et le vostre me contrainct de rechief vous supplier
18de moyenner faire revenir de par deça monsieur d’Aiguebelle car
19il est plus nécessaire que jamais. Autmoins si plustoust ne
20peult estre que ce soit après cet yvert. Il y a plusieurs de ceste
21ville que luy escripvent de s’en venir et qu’il est bien nécessaire,
22mesmes monsieur d’Alières, juge de mondit seigneur et le procureur,
23aussy des chanoynes de ceste églize. Hier en mourus ung
24après avoir long temps malladie, qu’estoit chanoine et chantre
25dudit esglize. La chanoinie est à la donation du chanoine qui lors
26de son décès estoit sepmainier ; car c’est du reing et costé senextre
27et non de celluy de mondit sieur. Quant à la chantrerie, elle
28est bien à la donation de mondit sieur ; mais par les statutz et
29bulles de sécularité de céans, il ne la peult donner que à ung
30qu’il soit chanoine et qu’il soit capable et souffizant pour ce faire,
31dont n’en y a en son esglize que troys qu’il le sachent faire
32du nombre desquelz ledit sieur d’Aiguebelle est le premier
33et aultres foy la jà heu et tenu. Par ainsi, monsieur
34Mazet, comme vicaire en l’absence dudit sieur d’Aiguebelle,
35ne sachant à qu’il la bailher à homme chanoine plus
36souffizant et capable et en mains plus asseurées
37que audit sieur d’Aiguebelle pour en dispozer à la volunté de
38mondit seigneur de Sainct Sernin, l’en a prouveu et
39[v] pource qu’il est à craindre que si quelcun la demande
40à mondit seigneur ou en pensant tirer quelque proffict pour
41quelcuns de ses amys ou serviteurs, il la pourroit
42donner à quelque aultre, que me cause, monseigneur,
43vous en importuner de vous supplier, si le treuvés
44bon, en faire ung mot à mondit seigneur de vostre part, car
45il est à présumer que si la luy estoit pour la bailler
46à ung aultre ou qu’il vouloist en faire quelque réserve,
47il donneroit occasion audit sieur d’Aiguebelle de perdre
48ceste volunté qu’il a de retorner de par deça et de
49luy faire plus service et c’est chose que n’en importe
50rien à mondit seigneur et n’est de grande valleur, c’est la moytié
51du revenu d’une chanoynie ou environ, dont la chanoynie
52vault cinq cens livres pour an, à ceulx touesfoys qui
53les servent, car qui ne sertz bien ne prend et
54aussi ledit sieur d’Aiguebelle n’a aultre bénéffice
55en ce pays pour s’entretenir que sa chanoynie. Ce
56que j’en dye n’est point pour aulcune affection que j’aye à
57l’endroit de mondit sieur d’Aiguebelle et vous prie,
58monseigneur, ainsi le droire come la véritée est telle ;
59mais, cognoiscant la faulte qu’il faict à mondit sieur
60quant il n’est de par deça et en son esglize, me cause
61d’en parler en la façon et vous en dire ce qu’en est et
62à tant je feray fin, prieray le Créateur que à vous
63monseigneur, ensemble à madame et à tous les
64vostres, doient en bonne santé loongue et heureuse
65vie. De Thoulouse, le XIIIe jour de décembre 1572.
66Vostre à jamais très humble et très obeyssant serviteur.
67P. Demurs